Filmer avec un smartphone : peut-on se passer d’une caméra classique ?
L’expérience de la Maison des Sciences de l’Homme Lyon St-Etienne.
Formé et habitué à travailler avec des caméras professionnelles, j’utilise de plus en plus un smartphone pour filmer sur les terrains de recherche. La caméra est-elle en train de se faire détrôner par les smartphones ? Peut-on se passer d’une caméra professionnelle ?
A la Maison des Sciences de l’Homme Lyon St-Etienne, le parc audiovisuel se constitue essentiellement de caméras (Sony ou JVC). L’accompagnement à la recherche des équipes scientifiques en Sciences Humaines et Sociales qui ont des besoins d’images animées s’appuie depuis toujours sur un dispositif classique : une caméra, un pied, un micro et de l’éclairage. La réalisation de documentaires et de reportages valorisant les recherches s’est toujours articulée autour d’un parc audiovisuel classique.
Depuis quelques années, il est à noter une tendance lourde dans la vidéo broadcast d’utiliser un smartphone pour filmer. Poussé par les réseaux sociaux, la grammaire filmique a bougé. Sur la notion de cadrage par exemple, nous filmions en horizontal. Avec les téléphones, la « mode » est à la vidéo en verticale. Certains réseaux sociaux n’acceptent plus les vidéos en mode horizontal (Snapchat, Instagram TV). Ainsi, l’univers de la vidéo est petit à petit en train de bouger vers du nomade léger en verticalité. Des festivals de films sont entièrement orientés vers la vidéo réalisée avec des smartphones comme le Mobil Film Festival ou le Vertical Film Festival. Depuis 4 ans, Paris accueille aussi les Rencontres de la vidéo mobile et de l’innovation éditoriale. Les rédactions journalistes de BFM TV sont toutes équipées avec des smartphones pour couvrir l’actualité. Les Gobelins organise un MOOC autour de « Réaliser des vidéos pro avec son smartphone » avec Laurent Clause, journaliste pluri-médias. Et le nouveau métier de mojo (MObile JOurnalisme) est apparu dans le monde des médias et de l’entreprise. Enfin, plus largement, même dans le cinéma, le smartphone perce avec des initiatives à suivre comme celle de Claude Lelouch et son dernier film « La Vertu des impondérables ».
Très facile à emporter, léger, maniable et d’une très bonne qualité vidéo, les smartphones ont évolué vers une qualité d’image professionnelle (stabilisateur, format 4K, bonne conduite en faible lumière). Malgré tout, filmer avec smartphone nécessite quelques précautions qui peuvent alourdir le dispositif filmique. La qualité de prise de son n’étant pas optimisée pour des interviews et des captations audios exigeantes, il est nécessaire de s’équiper (captation audio indépendante ou système de connexion de micro par la prise mini-jack du téléphone). D’autre part, les smartphones ne sont pas équipés de zooms optiques ergonomiquement optimisés comme sur les caméras (accessibilité, vitesse de zoom). En mode vidéo, le téléphone consomme beaucoup et demande donc des batteries supplémentaires. Enfin, le workflow de post-production n’est pas encore très ouvert sur les téléphones. Monter sur son smartphone ou sa tablette n’est pas encore très organique. Les réflexes de monteur sur ordinateur ont encore de beaux jours devant eux, même si les applications de montage gratuites ou payantes commencent à percer et à donner de très bons résultats en terme de rapidité d’exécution (voir la battle organisée en 2019 entre un iPhone et un ordinateur).
Depuis 2 ans, le Pôle Image Animée et Audio de la Maison des Sciences de l’Homme Lyon St-Etienne tente des expérimentations avec la vidéo mobile. Quelques événements ont été entièrement couverts avec un dispositif mobile comme les 10 ans de l’IEA à Nantes ou le SITEM à Paris.
Mais est-on crédible dans une posture de professionnel de l’image avec un iPhone ? Les tendances des outils pour filmer et l’avenir le diront… Les caméras vont-elles disparaitre des équipes de tournages ?
Christian Dury, le 30 janvier 2020