Depuis peu, la MSH Lyon St-Etienne s’intéresse à l’illustration accompagnant les projets scientifiques. Comment illustrer la science ? Comment articuler un dessin pour faire comprendre une discipline, pour synthétiser un message ? Et comment peut-on travailler illustration et vidéo ?

L’illustration est un outil puissant dans la communication des sciences humaines et sociales, en particulier dans le cadre de vidéos de recherche. En intégrant des dessins et des croquis à un film documentaire ou à une vidéo explicative, il devient possible de transmettre des concepts complexes, de donner une vision plus immersive du terrain et de rendre la recherche plus accessible au grand public.

Dernièrement, la MSH a accueilli un stage de dernière année de l’école Émile Cohl. Lena Brochand, illustratrice, a donc intégré la MSH pour réfléchir à l’accompagnement de quelques projets dont celui des « Portraits de sciences », outil de présentation des différentes disciplines regroupées à la MSH.

« À l’origine, mon univers artistique était plutôt tourné vers le fantastique, mais j’ai progressivement exploré l‘illustration scientifique à travers différents projets. C’est surtout lors de mon stage de fin d’études à la Maison des Sciences de l’Homme, dans le cadre de mon diplôme de conceptrice artistique spécialisé en édition et multimédia à l’École Émile Cohl, que cette orientation s’est plus affirmée. »
Lena Brochand

En lien avec la médiation scientifique de la MSH, le Pôle Image Animée et Audio lance une réflexion autour de l’illustration accompagnant ses vidéos. 

Depuis longtemps, les vidéos de la MSH sont accompagnées de facilitation graphique sous forme de motion design pour aborder des sujets difficilement filmables (METELEC) ou pour dynamiser des présentations (clip vidéo MSH).

Illustration n’est pas graphisme

L’illustration, c’est être capable de créer un dessin, une peinture… à partir de zéro. A la différence avec le graphisme qui se base sur du contenu existant (typographies, vecteurs, charte graphique) pour créer des supports de communication à l’aide de logiciels informatiques, l’illustration ajoute une fibre artistique afin de pouvoir donner vie sur papier ou sur tablette graphique aux idées de la commande.

Dans une vidéo de recherche, les illustrations peuvent enrichir la narration. Elles servent à combler les lacunes visuelles. Elles permettent également d’expliquer les hypothèses des chercheurs en proposant différentes interprétations. Souvent, les recherches SHS sont difficilement montrables (concept, accès). L’illustration peut ainsi permettre de capter l’invisible. En superposant les dessins aux images du terrain, en les animant ou en les intégrant sous forme de séquences explicatives, on dynamise le récit et on facilite la transmission des connaissances. Le lien avec la médiation scientifique permet ainsi de réfléchir à cette articulation illustration-vidéo pour expliquer, dynamiser et aborder toutes les thématiques SHS.

Illustration et vidéo, les expérimentations MSH

Avec Lena Brochand, jeune diplômée et illustratrice, la MSH a tenté des expérimentations diverses d’accompagnement vidéo avec des dessins.

Sur un terrain scientifique, l’illustration, en étroite collaboration avec les chercheurs, permet d’observer, d’esquisser les découvertes en temps réel et produire des dessins qui documentent différentes phases de recherche. Contrairement à la photographie ou la vidéo, qui figent un instant précis, l’illustration permet d’expliquer une démarche, d’isoler des détails pertinents et d’insister sur des éléments essentiels à la compréhension. Elle peut aussi reconstituer des scènes à partir des découvertes, offrant ainsi une vision plus vivante et incarnée de l’histoire. Pour « Portraits de sciences » et la discipline « Archéologie », la MSH avec Lena Brochand ont accompagné une équipe vidéo sur un terrain de fouilles à Cluny (71) avec le laboratoire ArAr. Sur une journée, des images vidéo et des dessins ont été produits afin de structurer un reportage accompagnant un ensemble des productions textuelles et graphiques.

« Comme je ne savais pas trop à quoi m’attendre, j’avais emporté pas mal de matériel mais une fois sur place, j’ai vite réalisé que je devais m’adapter à l’environnement de travail des chercheurs. Il fallait trouver un équilibre entre observer, dessiner efficacement et ne pas les gêner. Alors, je n’ai utilisé qu’un simple stylo. 
La pluie limitait aussi mes possibilités de placement et de vue, m’obligeant à adapter mes angles pour rester à l’abri (sans surprise, papier, encre et pluie ne font pas bon ménage !) 
Le dessin m’a permis d’observer avec précision les techniques et outils des chercheurs. Comme je voulais être rapide et discrète, j’ai opté pour un dessin spontané, sans croquis préparatoires ; c’est un exercice pas toujours évident, mais il donne un rendu vivant et dynamique. »

Par ailleurs, avec la journée d’étude de la MSH Lyon St-Etienne autour de l’Intelligence Artificielle et les recherches en SHS, une série de conférences a eu lieu le 12 novembre dans l’enceinte de la MSH. Lena Brochand a participé à la visibilité de cette journée en illustrant des moments de conférences. 

Avec humour, l’insertion d’illustrations dans les interventions permet de soulager l’attention et de décaler le propos.

« Illustrer des conférences était un vrai défi ! Les sciences ne sont pas mon domaine de base, et encore moins l’informatique. Je connaissais surtout l’IA générative d’images, avec un regard critique en tant qu’artiste mais je ne m’étais jamais posé la question sur sa présence dans la recherche scientifique. Pendant les conférences, c’était difficile de dessiner tout en écoutant, alors j’ai d’abord pris des notes et relevé des idées visuelles marquantes, comme les tortues de Grey Walter. J’ai aussi échangé avec mes collègues sur ce qui les avait frappés et finalement, j’ai réalisé trois illustrations après coup et un croquis de la salle en direct. »

L’utilisation de l’illustration dans les vidéos de recherche en sciences humaines et sociales est donc une approche qui conjugue rigueur scientifique et créativité artistique. Elle valorise le travail des chercheurs, facilite l’accès aux savoirs et engage davantage le spectateur en lui offrant une expérience visuelle immersive et pédagogique. Cette collaboration entre chercheurs et illustrateurs ouvre ainsi de nouvelles perspectives pour la médiation scientifique et la vulgarisation de la recherche.

« Ces expériences m’ont apporté autant sur le plan technique que sur le plan humain. Tout juste diplômée, mes dessins spontanés étaient jusqu’alors soit des exercices personnels sans retours, soit des travaux réalisés dans le cadre de ma formation, avec les retours de professionnels de l’image. Travailler pour la MSH, que ce soit à Cluny, lors de la journée IA ou autre, m’a permis non seulement de pratiquer et de m’améliorer, mais aussi de me positionner comme une véritable professionnelle. Je devais répondre à une demande précise, tout en expliquant mes choix à des collègues d’un autre domaine. J’ai aussi appris à interagir avec des experts divers et à trouver un équilibre entre ma pratique artistique et les contraintes d’un environnement de travail.
J’ai trouvé que mes dessins étaient utilisées de façon bien narrative, et ça m’a permis de voir comment l’illustration peut réellement soutenir et enrichir un propos audiovisuel. Et si nous avions eu plus de temps, j’aurai adoré travailler sur de petites animations 2D qui auraient pu vraiment donner vie aux propos et aux dessins aussi ! »

Avec la collaboration de Lena Brochand